Les portes bananes

Par Cédric Iratcabal

A la base, je pensais qu’on allait construire un petit bassin ravit’eau sur le Kv de Lachat.
Finalement ça débouche sur :
« Demain 6 h départ de la maison direction le N-O du Sautet »
« On fait la fontaine aussi ? » Perd pas l’Nord hein ..
« Je sais pas encore »

C’est avec les yeux qui louchent encore que j’arrive au QG.
La météo annonce peu de pluie, Bram aurait dit 3 minutes.
Finalement, elle s’incrustera parmis nous.

Au check météo du matin, j’ai choisi les trail glove 3 de chez Merell. Je les aime autant que je déteste leur grip sur du mouillé. Je comptais naïvement sur la sincérité des 3 minutes.
L’approche se fait aisément, on babole comme d’habitude. (aucun lien avec Roland-Garros)

Tout est calme, ce qui rend les environs encore plus beaux. Seuls quelques chasseurs, habillés aussi flashy que nous, sont présents.
L’approche est longue sur le papier mais passe rapidement entre la blablate, le pas de la racine et les quelques cèpes trouvés avec Mag (oui on traine un peu derrière, mais c’est pour la bonne cause).
L’accroche des Merell n’est finalement pas si catastrophique si on ne pousse pas mémé dans les orties.

Dans un coin inconnu (brouillage gps) on tombe sur quelques cèpes.
J’en protège deux dans mes porte bananes et le restant dans le filet à l’arrière du sac.
Advienne que pourra si on doit grimper en renfougne dans une ‘tite cheminée.
Pour mes porte bananes, vous trouverez un lien plus basrenvoyant vers mon site de création.

Finalement nous arrivons au pied du mur, au propre comme aufiguré.
Je m’interroge sur le choix des chaussures, et je me demande si cela est bien raisonnable.
Elles seraient parfaites pour ce type de sorties avec un grip costaud sur de l’humide.
J’en fais part à Mag, habituée des lieux, pour savoir le type de terrain rencontré et son crux.
Cela fait déjà belle lurette qu’on marche ensemble et je peux me fier à son avis objectif qui est loin du sempiternel«t’iiiiiiinquiètes ça paaaaaaasse».

Finalement je me rends compte qu’il faudra rester vigilant, comme sur nos sorties habituelles avec ces bouquetins des airs.

Au pied de la paroi, François et Olive partent en tête. On les rejoint.
Le passage délicat arrive. Cette fois c’est Mag et Olive qui passent en premier. François immortalise le moment depuis le bas.
C’est trempé mais l’avantage quand on grimpe dans ces « cotations » c’est qu’on a le choix pour les prises, elles sont en nombre, plus ou moins bonnes. Il suffit juste de prendre le temps, son temps, car le « j’ai glissé chef » n’est pas en option.

Une fois la dalle passée, le paysage est époustouflant. De petites fourmis dans cette immensité hostile.
Au moment où François nous rejoint, je fais l’erreur fatale …
La scène se passe au ralenti, comme si je la vivais de l’extérieur.
Je le vois tomber, rebondir, s’ouvrir en deux … Tout s’arrête.
PUTAIN, mon protège banane ! Après quelques roulades, il s’ouvre et en libère son contenu. Feu le cèpe qui était caché dedans. Je récupère l’étui plastique quelques mètres plus bas.

On se retrouve en plein milieu de cette barre qui a l’air imprenable vu du bas et que l’on est pourtant bien en train de franchir. Pas besoin de conquérir un sommet pour se sentir l’âme d’un conquérant.
On ressort finalement proche du Sautet, en terrain connu, soumis aux forces de Dame Nature qui nous accueille dans son congelo. Pour savoir la température, il suffit de regarder la couleur des doigts de Mag.
On file vers le Colonney où je garde cette image d’Olive qui grimpe dans la cheminée avec son Poncho/Burqua qui se transforme au gré du vent.
Descente pépone au QG, repas top chef et poêlée de cèpes avec les deux rescapés. Ils ont un goût différent du fait de nous avoir accompagné.

Sacrée virée.

Cédric Iratcabal, Passy Alpirunning